Lorsque l’on séjourne à San Cristobal de Las Casas, l’une des visites incontournables est celle du village de San Juan Chamula et plus particulièrement de son église. San Juan est l’un des villages les plus peuplés de la communauté tzotzile. Les colonisateurs espagnols n’ont jamais réussi à totalement convertir ce peuple indigène du Chiapas à la religion catholique. Comme dans n’importe quel village mexicain, l’église trône au milieu de la place centrale cependant la ressemblance s’arrête là.
L’église est ouverte aux visites et franchement ça vaut le coup d’oeil, et pas seulement le dimanche. Les photos sont interdites à l’intérieur, et les habitants n’acceptent pas non plus d’être pris en photo car en le faisant on leur ôte leur âme. Une fois n’est pas coutume, vous ne verrez cette fois que des images de l’extérieur de l’église. Mais avant de vous dévoiler ce que nous avons vu et vécu dans cette église, laissez-moi vous en dire plus sur la religion des Tzotziles.

Eglise de San Juan Chamula
Une religion ancestrale teintée de catholicisme (ou l’inverse)
Les Tzotziles conçoivent le monde dans son ensemble et l’appellent ciel-terre. Toute vie se développe à la surface du ciel et de la terre, tandis que la vie extraordinaire, comme celle des rêves, existe dans «l’autre terre céleste», une sorte de dimension parallèle que seuls les chamans peuvent voir*.
Lorsque les prêcheurs espagnols sont arrivés en terre tzotzile, ils ont dû concéder beaucoup plus de terrain que d’habitude aux croyances ancestrales. Si la croix, perçue comme une porte menant aux dieux, n’a eu aucun mal à être acceptée, Jésus, quant à lui, a dû revoir son objectif en montant au ciel pour devenir le soleil.
Dans le système religieux des Tzotziles, les éléments culturels des divinités autochtones sont mélangés à des éléments de la religion catholique. D’un côté, il y a une hiérarchie sacerdotale liée au culte des saints catholiques et d’un autre côté, il y a un certain nombre de guérisseurs ou guérisseuses qui ont pour fonction d’intercéder pour les hommes dans le monde surnaturel, lors de cérémonies à caractère individuel ou de façon collective*. Ce joyeux mélange donne lieu à des scènes particulièrement surprenantes dans une église qui semble au premier abord catholique.

La croix, ici symbole des croyances tzotziles plus que de la religion catholique
Une église qui n’a de catholique que les murs
De l’extérieur, on peut observer une église aux murs blancs, avec son entrée monumentale décorée de motifs colorés et son traditionnel cocher. Mais en entrant dans l’église, nous avons été surpris par la disposition et la décoration des lieux.
Tout d’abord, ce qui interpelle, c’est l’absence quasi totale des codes habituels de l’église catholique. Certes, c’est très haut de plafond, il y a bien un choeur avec les traditionnels représentation de Marie et de Jésus, et de nombreuses statues de saints sont exposées dans des vitrines en bois magnifiquement sculptées sur les côtés de la nef. Mais c’est tout pour les concessions au catholicisme. Pas d’autel, pas de banc, pas d’orgue, pas de confessionnal. Les prêtres en ont été bannis et même l’évêque n’a le droit de pénétrer dans l’église qu’une fois par an pour les baptêmes.
Le sol est jonché d’aiguilles de pin. Des tables sont poussées sur les côtés et quelques unes sont positionnées au centre de la nef et à la place de l’autel. Toutes sont recouvertes de milliers de bougies qui apportent la principale source de lumière. Près de l’entrée, on peut voir 6 cloches qui ont été déposées. Il faut dire qu’elles ne doivent pas servir très souvent ! Le choeur est couvert de vases en or et en argent remplis de fleurs. Des tentures sont suspendues au plafond à la manière des décorations des salles de mariage et accompagnent les croyants jusqu’au choeur.
Une ambiance déroutante… quasi mystique
Mais au delà de l’apparence très différente des églises qu’on a pu visiter en Amérique Latine, c’est l’ambiance qui frappe. Ça sent l’herbe coupée et la bougie. Un petit groupe joue une musique très rythmée à base de trompettes, violons et percussions, pour accompagner une cérémonie ressemblant à une procession « intra muros ».
Et partout dans la nef, des fidèles viennent prier pour éloigner les démons. Chaque famille s’installe dans son coin, et colle à même le sol avec leur propre cire plusieurs dizaines de fines bougies. Il faut faire attention où on marche car les flammes nous lèchent les jambes quand on recule sans regarder.
Lorsque tout est en place, la femme la plus âgée de la famille s’installe devant les bougies, récite des incantations en dialecte local et crache du pox, un alcool distillé à base de maïs, sur les flammes. Nous avons pu assister au sacrifice d’un coq noir (oui oui dans l’église), destiné à absorber les maux d’un membre de la famille qui a été envoûté. Il sera ensuite enterré pour empêcher les esprits de revenir hanté le malade. Impressionnant ! Et pour compléter le tableau, chacun boit quelques gorgées de Coca Cola et rote pour expulser les mauvais esprits.
Bref, vous l’aurez compris, nous avons été particulièrement marqués par cette expérience un peu hors du temps, probablement l’une des plus bizarres de notre voyage. Et pour en apprendre un peu plus sur les croyances des Tzotziles, nous avons rendu visite à l’association STEPS à San Cristobal qui propose de raconter des légendes locales. Si vous prévoyez de visiter le Chiapas, ces deux étapes sont incontournables.
* La plupart des éléments cités sont une traduction plus ou moins fidèle de l’article suivant : https://www.gob.mx/cdi/articulos/etnografia-de-los-pueblos-tzotzil-batsil-winik-otik-y-tzeltal-winik-atel?idiom=es
Exceptionnel ! J’adore ! Trop bien raconté ! Merci merci merci ! Je voyage encore un peu grâce à toi !!! Je trouve ça génial que ce type de croyances et de rites existent toujours, si loin des pratiques religieuses chrétiennes, musulmanes, bouddhistes… cela m’interpelle toujours que les peuples puissent avoir une foi infinie en des croyances si différentes ! Ça fait réfléchir !
J’aimeJ’aime
C’était une expérience totalement unique, un peu hors du temps. C’était un peu bizarre. Comme si on était à la fois participants et observateurs. Mais ça fera partie des souvenirs inoubliables de ce voyage !
J’aimeAimé par 1 personne